Colloque Les rapports entre les juges constitutionnels nationaux et la CJUE, 6 oct. 2023

Le colloque vise à revisiter un « grand classique » du droit public européen : les rapports entre les juges constitutionnels nationaux et la CJUE. Ces rapports s’inscrivent dans la complexité du système constitutionnellement intégré que forment l’Union européenne et les États membres. Les juges constitutionnels nationaux et la Cour de justice forment un Verfassungsgerichtsverbund1, à savoir « un réseau spécial des juridictions constitutionnelles », vectrices des imaginaires constitutionnels (nationaux et européens) et gardiennes des identités constitutionnelles (nationales et européenne). Ils ont pour mission commune le contrôle de l’exercice de la puissance publique et la garantie des droits fondamentaux dans un espace des valeurs partagées. Ils participent au mouvement dit de « judiciarisation du politique »
(judicialization of politics) en Europe, lequel entraine une montée en puissance des juges constitutionnels
et suprêmes dans la vie publique, les processus politiques et la définition des grands choix de société.


Les rapports entre les juges constitutionnels nationaux et la Cour de justice sont, dans les années récentes,
traversés par des tensions largement médiatisées. Ainsi, un éditorial de The Economist, dressait une
analogie entre la théorie de Calhoun – selon laquelle les États fédérés américains disposaient d’un droit de
« nullification » à l’égard des actes du pouvoir fédéral – et la soi-disante « résistance » des juridictions
constitutionnelles nationales, notamment à propos de l’arrêt Weiss de la Cour constitutionnelle
allemande2. Par ailleurs, l’appel formulé par quatre membres des juridictions constitutionnelles nationales
en faveur de la mise en place d’un « renvoi préjudiciel inversé » afin que l’identité constitutionnelle
nationale soit mieux prise en compte par la Cour de justice3, irait aussi dans le sens d’une volonté de
« reprise de contrôle » de l’intégration européenne par le niveau national.


Il faut néanmoins garder à l’esprit que les attitudes des juges constitutionnels nationaux sont variables et,
souvent, bien plus complexes et subtiles que leur présentation dans les médias laisse croire. Régulièrement
sous les feux des projecteurs, la Cour constitutionnelle allemande, « meilleure alliée » de la Cour de justice
selon le Président Lenaerts4, se montre pourtant capable d’exprimer un profond désaccord de fond et de
déclarer un arrêt de la Cour de justice ultra vires. Sa démarche dans l’arrêt Weiss a d’ailleurs été trop
hâtivement rapprochée de celle du Tribunal constitutionnel polonais défiant l’autorité de la Cour de justice
et de sa jurisprudence sur l’indépendance de la justice. Toutefois, il n’y a pas lieu de confondre résistance –
certes forte- par la Cour constitutionnelle allemande (ou encore par la Cour constitutionnelle tchèque qui
avait refusé l’application de l’arrêt de la Cour de justice dans l’affaire des pensions slovaques) et rupture du
dialogue des juges, par le Tribunal constitutionnel polonais, dans un contexte hautement politisé. D’autres
attitudes sont davantage constructives. Ainsi la Cour constitutionnelle italienne a été à l’origine d’un
dialogue musclé mais sincère qui a amené la Cour de justice à « préciser » son interprétation du traité
(« saga Taricco »). Quant à la Cour constitutionnelle roumaine, si elle a déclaré un arrêt de la Cour de justice
incompatible avec la Constitution nationale, elle a invité le pouvoir constituant à en tirer les conclusions.
Par ailleurs, il y a lieu de souligner l’ouverture « européenne » du Conseil constitutionnel français et du
Tribunal constitutionnel espagnol, ouverture accompagnée de la formulation des limites constitutionnelles
à l’application du droit de l’Union. Enfin, mérite d’être relevée la loyauté de la Cour constitutionnelle belge
à l’égard de la Cour de justice et son utilisation stratégique du droit de l’Union et du mécanisme du renvoi
préjudiciel.


Ces quelques exemples montrent que la thématique des rapports entre les juges constitutionnels nationaux
et la Cour de justice ne peut être réduite au seul débat sur la primauté du droit de l’Union ou des
Constitutions nationales. Elles révèlent les ressources multiples du pluralisme constitutionnel mais aussi les
limites et les défis que celui-ci connaît. Ainsi, la thématique des rapports entre juges constitutionnels
nationaux et CJUE, ancienne, s’avère profondément renouvelée, comme le colloque devrait le montrer.

le programme du colloque portant sur « les rapports entre les juges constitutionnels nationaux et la CJUE », organisé par A. Iliopoulou-Penot et F. Martucci, qui se tiendra le 6 octobre 2023

Pour l’inscription il est nécessaire d’adresser un courriel à :

Bernadette LAFON : bernadette.lafon@u-paris2.fr

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