Cliniques juridiques : un mode d’enseignement contemporain du Droit de l’Union européenne dans les facultés de droit – par Vassilios Christianos

De l’enseignement du Droit ex cathedra à un enseignement adapté aux besoins nouveaux

C’est un véritable privilège d’avoir acquis une expérience dans le mode traditionnel d’enseignement du droit dans les facultés de droit d’un certain pays. En même temps, je constate aujourd’hui que cet enseignement traditionnel « ex cathedra » est dépassé et l’expérience qu’il nous a offert constitue aussi une ignorance relative à d’autres méthodes d’enseignement. En effet, l’enseignement « ex cathedra » méconnait les méthodes contemporaines s’appuyant sur l’approche «learning by doing (apprentissage par la pratique)». Je ferai référence à l’exemple tiré de l’enseignement du droit de l’Union européenne, avec lequel je suis familier ; celui-ci peut également s’appliquer dans d’autres domaines du droit. Il s’agit de la méthode des cliniques juridiques, une combinaison idéale entre la théorie et la pratique.

Bref historique

L’idée des cliniques juridiques trouve sa source dans le monde juridique anglo-américain et s’est concrétisée sous la forme de centres consultatifs destinés aux groupes sociaux défavorisés qui, par manque de moyens financiers nécessaires, ne sont pas en mesure de recourir aux services couteux d’un avocat. Dans certains Etats membres de l’Union européenne, comme l’Allemagne, les étudiants participent dans le fonctionnement des cliniques juridiques régulièrement, de façon à maintenir et développer des réseaux de prestations de conseils juridiques. Cela permet aux étudiants, d’une part, d’étudier et d’approfondir un domaine spécifique du droit, et d’autre part, d’obtenir une expérience dans la résolution des conflits juridiques.

Une méthode d’enseignement par excellence du Droit de l’Union européenne

Cette idée s’est développée pendant les dernières années tout en s’adaptant aux besoins actuels, de manière à ce que les cliniques juridiques examinent actuellement des questions du droit des étrangers et d’asile ; ces questions relèvent par excellence du Droit de l’Union européenne et ne sont pas étudiées de manière systématique dans les facultés de droit. Toutefois, l’étude et l’expérience acquises ne se limitent pas seulement à ce domaine. Des cliniques juridiques concernent également les droits de l’homme, le droit de l’Internet et des médias, la protection des consommateurs, le droit du travail et de la sécurité sociale, qui font l’objet de développements importants dans le cadre du droit de l’Union européenne. En outre, il y a des cliniques juridiques spécialisées dans un domaine de droit très spécifique, comme le droit du cyberespace, qui répond aux besoins nés des questions juridiques concernant les professions libérales et les petites et moyennes entreprises ou bien les « start-ups ». La portée de ces activités est diversifiée et comprend tant la prestation de conseils juridiques que la défense des clients devant les autorités administratives ou la résolution de conflits.

Coopération entre professeurs, avocats et étudiants

Les cliniques juridiques sont fondées sur la collaboration entre professeurs de droit, avocats aux barreaux et étudiants. Cette collaboration offre l’opportunité à ces derniers d’obtenir une expérience dans la gestion des problèmes juridiques pendant les années universitaires ainsi qu’une optique multidimensionnelle sur le terrain de l’application pratique du droit de l’Union européenne et d’autres domaines du droit. En l’occurrence, le principe fondamental du mode d’action est celui de « l’apprentissage par la pratique ». Par conséquent, les futurs juristes font directement le lien entre les connaissances théoriques et l’étude d’un cas pratique spécifique et dès lors, ils absorbent de manière efficace les connaissances juridiques de base ; ils profitent aussi  de la participation des professeurs – qui doivent, par ailleurs, se rendre compte du fait qu’ils ne peuvent plus se qualifier eux-mêmes des « théoriciens du droit » sans aucun contact avec les vraies questions juridiques qui surgissent dans la pratique- et des avocats. Grace aux professeurs et les avocats, les étudiants peuvent, d’une part, avoir des contacts qui leur seront utiles dans leur futur parcours professionnel et d’autre part, ils assurent la prestation de conseils juridiques de haut niveau aux demandeurs d’aide juridique.

Qu’est-ce qu’apprennent concrètement les étudiants ?

La collaboration au sein d’une clinique juridique offre aux étudiants des bénéfices multiples. Ils se familiarisent avec le processus de négociation avec les clients, ils apprennent comment gérer et organiser des cas qui se présentent dans la pratique et améliorent de façon ciblée leur capacité de conseiller et de négocier. L’élaboration des faits d’une manière indépendante et responsable permet aux étudiants d’apprendre, dès le début, la gestion du temps et des délais, ce qui est utile pour leur futur parcours professionnel. Un travail régulier sur des questions juridiques et des situations présentant des problèmes spécifiques a pour effet le développement d’une capacité d’analyse et d’argumentation ainsi que des connaissances nécessaires de l’économie des entreprises. Au-delà de ces avantages, la collaboration avec les cliniques juridiques est fréquemment récompensée par des certificats à la fin du semestre. Dans d’autres universités, le travail dans une clinique juridique pour la prestation de conseils juridiques peut être reconnu en tant que cours fondamental ou bien permettre aux étudiants de recevoir des unités de crédit.

La perspective d’une collaboration avec des entreprises « start-up », comme Taxi-beat ou autres est un motif déterminant pour les étudiants. La raison est la suivante : lorsque les étudiants s’occupent des entreprises déjà fonctionnant, la plus grande partie du travail consiste la gestion quotidienne des problèmes juridiques, alors qu’une collaboration avec une entreprise « start-up » comporte une différence de qualité : un juriste contribue à leur développement et leur expansion. La contribution des cliniques juridiques à l’étude du Droit a été considérablement élargie ces dernières années tout en évoluant de manière constante. Par exemple, l’aide n’est pas seulement fournie par des étudiants en droit, mais aussi par des étudiants en traduction, surtout en matière d’asile, d’immigration ou des relations transfrontalières.

En tant qu’expression de solidarité et de volonté de fournir de l’aide juridique, les cliniques juridiques peuvent contribuer à faire face à des litiges et soutenir activement un grand nombre des personnes intéressées. Dès lors, une élaboration supplémentaire de ce réseau de prestation de conseils juridiques peut être poursuivie de manière intensive en matière de Droit de l’Union européenne. Il suffit que les facultés de droit adoptent un modèle orienté plus vers la prestation des services juridiques (« more legal service – oriented model »).

J’espère que mes collègues dans tous les domaines du droit  souscrivent aux opinions susmentionnées tout en s’adaptant à ces évolutions.

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Vassilios Christianos, Professeur émérite à la Faculté de Droit de l’Université d’Athènes

Pour une illustration de clinique juridique en droit européen cf. Les activités pédagogiques de la Chaire Jean Monnet du professeur Pierre-Yves Monjal de l’Université de Tours

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