Philippe De Bruycker, spécialiste du droit européen de l’immigration et de l’asile – Interview du Professeur Philippe De Bruycker, partie 1

Dans cette première partie de l’interview, Philippe De Bruycker explique les raisons qui l’ont amené à s’intéresser au droit européen de l’asile et de l’immigration. Il partage avec nous ses projets, que ce soit dans le cadre de sa Chaire Jean Monnet ou du réseau académique ODYSSEUS qu’il coordonne depuis 1999.

Pourquoi vous êtes-vous intéressé au droit de l’Union européenne ?

Philippe De Bruycker : « Comme souvent dans des carrières, il s’agit d’une coïncidence. J’ai toujours été intéressé par le droit des étrangers et des réfugiés, à commencer par le droit belge. Le début de ma carrière a été consacré au droit administratif et au droit constitutionnel belges. J’ai essayé de suivre de front les questions du fédéralisme et de l’immigration. Très rapidement, cela s’est avéré impossible en raison de l’importance grandissante de cette matière. En 2000, j’ai finalement décidé de me consacrer principalement au droit de l’immigration et de l’asile. J’y suis donc venu en tant que publiciste puisque c’est la querelle institutionnelle entre la méthode intergouvernementale et la méthode supranationale qui m’a amené à m’intéresser à cette matière. Cette matière est aujourd’hui en pleine expansion. Je m’y consacre désormais pleinement ».

Quel est l’objet de la chaire Jean Monnet dont vous êtes titulaire ?

Philippe De Bruycker : « La chaire Jean Monnet dont je suis titulaire est consacrée au droit européen de l’immigration et de l’asile. Elle visait d’abord à développer ces matières et leur enseignement à l’Université Libre de Bruxelles. Les matières visées sont le droit européen de l’immigration et de l’asile, qui est venu compléter le droit belge de l’immigration et de l’asile, mais aussi la libre circulation des personnes et le droit international de l’immigration et de l’asile. Cette chaire a débouché sur un projet que je coordonne aujourd’hui et qui est soutenu par le programme Jean Monnet : le projet OMNIA. Ce projet vise à développer une communauté scientifique au niveau de l’Union européenne de spécialistes de l’asile et de l’immigration ».

Quel est l’objectif du projet OMNIA ?

Philippe De Bruycker : « Le projet OMNIA est un réseau qui s’est construit sur la base du réseau ODYSSEUS, que j’avais initialement fondé. Ce projet vise à consolider la communauté scientifique des juristes qui s’intéressent aux questions de l’immigration et de l’asile en Europe. Nous avons créé il y a un peu plus d’un an et demi un blog qui publie chaque semaine un billet consacré aux questions de l’immigration et de l’asile en Europe ; nous allons aussi développer des modules de formation à distance ; nous avons lancé une conférence annuelle. La dernière a eu beaucoup de succès puisqu’elle a attiré plus de 600 personnes à la Commission européenne au mois de février. Nous essayons surtout de nous inscrire dans la durée, c’est-à-dire de lancer des activités qui ont vocation à s’autofinancer lorsque l’Union européenne ne pourra plus nous apporter son soutien ».

Quels conseils donneriez-vous aux chercheurs qui souhaitent se lancer dans une thèse de doctorat ?

Philippe De Bruycker : « Le droit européen de l’immigration et de l’asile est un domaine qui attire de plus en plus l’attention des chercheurs. De nombreux doctorants veulent y consacrer leur recherche. Je donnerais surtout comme conseil de bien préparer son sujet. Il s’agit d’abord d’identifier un domaine de recherche – le domaine de recherche ne constituant pas encore un sujet. Ensuite, au sein du domaine de recherche, il convient d’identifier une question qui permettra de mener une démonstration. En effet, une thèse de doctorat n’est pas une synthèse : elle doit permettre au doctorant de procéder à une démonstration. Il faut donc travailler le questionnement, le projet de démonstration, à travers des recherches et des lectures. Un sujet n’est pas une idée que l’on a plus ou moins vaguement en tête et que l’on tente de développer. Il faut d’abord se positionner pour déterminer la question, ce qui suppose un travail préalable de recherche qui n’est pas toujours fait. Il faut également vérifier que d’autres thèses ne sont pas en cours et que celles-ci n’épuisent pas le sujet. Ce n’est jamais très enthousiasmant de travailler sur un sujet qui aurait déjà été défriché. Enfin, il faut trouver un bon directeur, qui s’intéresse à la question et est compétent dans le domaine, de manière à pouvoir orienter le doctorant. Ce sont là les conditions de base qu’il faut remplir ».

La manière dont se réalise une thèse de doctorat a-t-elle beaucoup évoluée ces dernières années ?

Philippe De Bruycker : « Il y a certainement eu une évolution. J’ai terminé mon doctorat en 1995. J’appartiens encore, même si ce n’est pas tellement ancien, à « l’ancienne école ». Lorsque l’on souhaitait faire une thèse de doctorat, on présentait une idée de sujet à son directeur, que l’on ne voyait plus par la suite hormis le jour de la remise du manuscrit. On était abandonné à soi-même. Le directeur attendait du doctorant qu’il se débrouille tout seul. Aujourd’hui, en Belgique, les doctorants sont beaucoup plus encadrés : ils bénéficient d’une formation pré-doctorale, notamment à la méthodologie ; ils doivent présenter un travail de recherche préalable à leur doctorat ; ils bénéficient de l’aide d’un comité d’accompagnement qui se réunit au moins une fois par an. Le contexte a beaucoup changé, ce qui est un bien. Il est nécessaire d’aider un jeune doctorant pour qu’il puisse trouver un bon sujet et mener une démonstration. C’est important car si le doctorant souhaite poursuivre une carrière académique, il doit pouvoir développer une recherche doctorale qui apporte une véritable plus-value. Vu l’environnement dans lequel on se trouve – de plus en plus compétitif et internationalisé, il est bon que les doctorants bénéficient d’un encadrement plus étoffé que par le passé ».

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Philippe De Bruycker est professeur à l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Ses enseignements sont consacrés au droit de l’immigration et de l’asile ainsi qu’à la libre circulation des citoyens européens. Il a également été, de 2012 à 2016, Directeur adjoint du Migration Policy Centre (MPC) de l’Institut Universitaire Européen (IUE) à Florence.

Philippe De Bruycker est titulaire d’une Chaire Jean Monnet pour le droit européen de l’immigration et de l’asile. Cette chaire est destinée à apporter une une meilleure compréhension et diffusion du droit européen de l’immigration et de l’asile par l’organisation de « EU Migration and Asylum Law and Policy Conferences » qui se tiennent chaque année à l’ULB ainsi que par la publication de codes de droit européen de l’immigration et de l’asile (à paraitre en 2017).

Philippe De Bruycker a fondé le Réseau académique d’études juridiques sur l’immigration et l’asile en Europe (mieux connu sous le nom de « Réseau Odysseus ») qu’il coordonne depuis 1999 et dans le cadre duquel il dirige actuellement le projet Omnia financé par la Commission européenne. Le projet Omnia vient renforcer le réseau Odysseus en permettant de développer des formations à distance ainsi que des bases de données accessibles en ligne afin de centraliser les informations portant, notamment, sur la jurisprudence, la législation et sur les recherches en cours ou terminées. Une base de données bibliographiques sera également mise en place. Dans ce contexte, un blog alimenté par des articles juridiques rédigés par les membres du réseau commente l’actualité juridique et politique au fil des semaines.

Pour en savoir plus sur :

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Cette interview a été réalisée le 16 mai 2017 par Louise Fromont. La suite de l’interview paraitra mardi prochain sur Blog droit européen sous la forme de vidéo. L’équipe du Blog droit européen remercie Philippe De Bruycker pour sa disponibilité et sa gentillesse.

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