La Clinique des droits de l’Homme de Strasbourg, par Niki Aloupi et Sébastien Touzé

Une clinique de droit est une formation juridique qui se fonde sur une méthodologie alliant la théorie et la pratique sur la base de cas réels. Les étudiants sont ainsi formés en « pratiquant » le droit tout en étant encadrés par des professeurs et des praticiens. Depuis les années 1980, des cliniques spécialisées dans le domaine des droits de l’homme sont nées dans les universités américaines. Ces cliniques ont largement dépassé leurs objectifs pédagogiques en s’imposant désormais comme des acteurs transnationaux faisant partie intégrante de la société civile et jouant un rôle considérable dans la promotion et la protection des droits de l’homme. D’initiatives pédagogiques, elles sont devenues aujourd’hui un objet d’étude en soi en raison du rôle qu’elles jouent dans la construction du droit contemporain. En outre, le succès des programmes cliniciens juridiques a été largement étudié et commenté par les facultés de droit américaines qui soulignent:

  • la qualité de la formation et de l’expérience humaniste offertes aux étudiants;
  • l’impact effectif et réel sur le droit contemporain du travail clinique;
  • la visibilité extérieure et médiatique des réalisations cliniques; et
  • les opportunités de partenariats tant avec les autres acteurs de la société civile, qu’avec le monde des praticiens, que de tels programmes augurent.

A Strasbourg, la présence du Conseil de l’Europe et de la Cour européenne des droits de l’homme implique de développer de nouvelles formes d’enseignement afin d’aboutir à une formation spécifique répondant aux besoins de ces deux institutions. Conformément à la tradition humaniste et d’engagement qui caractérise la Fondation René Cassin, cette dernière a développé, en partenariat avec l’Université de Strasbourg, une Clinique de droit international des droits de l’homme. L’association avec la Fondation permet de mettre en place une synergie entre l’Université et cette institution et de faire profiter les étudiants inscrits des activités pédagogiques de la Fondation et des enseignements dispensés lors de la session annuelle d’enseignement. Cette dernière constitue un rendez-vous majeur pour tous les universitaires spécialisés en droit international des droits de l’homme et offre un enseignement en 5 langues (français, anglais, espagnol, russe et arabe).

La Clinique des droits de l’Homme de Strasbourg est une formation de deux années destinée à des étudiants de niveau avancé. La première année (semestres 1 et 2) est consacrée à l’enseignement théorique et à la recherche appliquée. Lors de la deuxième année (semestres 3 et 4), les étudiants sont confrontés à la pratique du droit en contribuant au traitement d’affaires contentieuses. La méthode de la Clinique repose sur une formation théorique approfondie en droit international des droits de l’homme et sur le traitement d’affaires contentieuses devant:

  • la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) et
  • les Comités des droits de l’homme des Nations Unies (e.g. Comité des droits de l’homme ; Comité contre la torture (CAT)), mais également
  • la Cour nationale du droit d’asile.

Elle s’appuie notamment sur la présentation de mémoire de tiers-intervenants devant la Cour EDH et la recherche pour les rapports présentés devant le CAT. Les contentieux retenus par la Clinique peuvent avoir deux types de sources:

  • Il peut s’agir tout d’abord de contentieux qui sont proposés par des cabinets d’avocats partenaires qui souhaitent participer à la formation clinicienne en tant que praticiens.
  • Il peut s’agir également de cas qui sont directement présentés par des victimes ou transmis en intégralité par des avocats qui ne souhaitent pas gérer le contentieux international.

La Clinique se focalise sur la dimension internationale des contentieux. Elle ne gère pas, en principe, l’épuisement des voies de recours internes.

Retour des Cliniciens : Première année 2016-2017

Les cliniciens de la Clinique promotion 2016 – 2018 sont en cours d’études (master 1 ou master 2), travaillent ou font une thèse, tant de profils divers qui participent à l’enrichissement de la Clinique.

Notre première année a été rythmée par des cours à suivre à la Faculté de droit de Strasbourg (Droit européen des droits de l’Homme, Droits de l’Homme, Droit pénal international) et des séminaires organisés par la Fondation René Cassin sur des thèmes variés avec chaque fois un intervenant spécialisé.

La formation théorique de cette première année s’est terminée par la participation à la session annuelle d’enseignement d’été de la Fondation René Cassin, du 3 au 21 juillet 2017. Le thème de cette 48ème session était « Santé et droits de l’homme ». Ce fut l’occasion d’enrichir nos connaissances sur les divers systèmes de protection des droits fondamentaux dans le monde et de découvrir le thème de la santé, peu étudié au sein de nos parcours. Le fait de pouvoir participer à cette session d’été est une véritable opportunité pour les cliniciens.

Durant l’année 2016 – 2017, nous avons également travaillé, de manière plus pratique, à élaborer un rapport relatif aux assurances diplomatiques pour le CAT . En outre, toujours pour le CAT nous avons repris un rapport sur la surpopulation carcérale, projet entrepris par la promotion précédente, afin de le présenter cet été au sein de la session du Comité . En effet, certains d’entre nous sont partis à Genève les 7 et 8 août 2017, durant la session du Comité, afin d’assister et participer aux discussions relatives à la surpopulation carcérale, et profiter de cette occasion pour présenter notre rapport. Ce travail a ainsi créé une occasion mémorable pour les cliniciens.

Cette année a été propice à la réflexion des projets possibles au sein de notre promotion. Notamment, certains séminaires ont pu être le départ de coopération. En effet, pour exemple, la demi journée avec End Child Prostitution, Child Pornography and Trafficking of Children for Sexual Purposes, (ECPAT) a été le début d’un projet de veille juridique afin de reprendre un site fermé depuis deux ans. En ce sens, l’équipe de l’association ECPAT est revenue à Strasbourg pour nous faire une formation les 23 et 24 juin 2017. Ce projet est toujours en cours parmi les travaux de la deuxième année.

Retour des Cliniciens : Deuxième année 2017-2018

Notre deuxième année, en cours, va accentuer le côté pratique par rapport au côté théorique. Ainsi diverses pistes de réflexion sont en développement.

Bien sûr, notre coopération commencée avec ECPAT, durant la première année, ne s’est pas arrêtée et l’ouverture du nouveau site est en cours. Les cliniciens font des recherches constantes sur les éventuelles jurisprudences, dans le monde, liées à la traite des mineurs.

Aussi, nous avons pour projet la mise en œuvre d’une formation au sein de l’ERAGE sur les « Lanceurs d’alerte ». Ce sujet d’actualité nous permettrait non seulement de proposer une journée d’étude aux avocats de Strasbourg, mais également de s’intégrer pleinement dans le thème de la 49ème session de cours d’été de la Fondation René Cassin qui aura lieu en 2018. En effet, cette dernière concernera les « défenseurs des droits de l’homme ». Les cliniciens souhaiteraient, en ce sens, participer activement à cette session par le biais d’une conférence sur les lanceurs d’alerte.

En outre, nous surveillons les affaires de la Cour EDH, notamment en ce qui concerne le terrorisme, l’état d’urgence ou la GPA/PMA pour une éventuelle tierce intervention.

Par ailleurs, les cliniciens souhaiteraient proposer une contribution à l’appel à participation du projet « Call for Papers: Workshop at European Court of Human Rights » de la Cour EDH en déposant leur candidature avant le 15 février 2018.

Enfin, une coopération avec le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) est en cours, pour une veille juridique.

Outre l’expérience que peut nous apporter, à tous, personnellement la Clinique, le but de notre groupe de cliniciens est de développer des partenariats qui pourront se perpétuer de promotion en promotion pour une dynamique pérenne de la Clinique des droits de l’Homme.

Niki Aloui est professeure agrégée de droit public à l’Université de Strasbourg depuis 2012, juge-assesseur représentant du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) . Elle dirige le Master 2 de droit international public et co-dirige, avec Sébastien Touzé, le DU Clinique des droits de l’homme en collaboration avec l’Institut international des droits de l’homme de Strasbourg. Elle enseigne le droit international public, le droit international économique, le droit des espaces et le droit de l’Union européenne. Elle est l’auteur de plusieurs publications consacrées au droit international, au droit de la mer et aux rapports de systèmes, notamment entre le droit international et le droit européen.

Sébastien Touzé est professeur agrégé de droit public à l’Université Paris II Panthéon-Assas. Il est l’auteur de nombreuses publications en droit international public ainsi qu’en droit international et européen des droits de l’homme. Il a enseigné dans plusieurs universités en France et intervient régulièrement dans des universités étrangères. En octobre 2015, Sébastien Touzé est élu Expert auprès du Comité contre la Torture des Nations Unies.  En 2011, il est élu Secrétaire général de l’Institut International des Droits de l’Homme. Le 28 janvier 2016, Sébastien Touzé a été élu Directeur de la nouvelle Fondation Institution International des Droits de l’Homme – Fondation René Cassin. Depuis sa création, Sébastien Touzé est le co-directeur de la Clinique des Droits de de l’Homme de Strasbourg

Pour aller plus loin:

 

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