Le Séminaire de Droit international privé de l’Association Espagnole des Professeurs de Droit et Relations internationales (AEPDIRI) s’est déroulé le 25 janvier dernier à la Faculté de Droit de l’Université de Valence (le programme et la liste des intervenants est disponible ici). A cette occasion, les participants « ont fait le procès » (équitable) du Droit international privé et de ses cinquante dernières années d’évolution. Pour ce faire, les organisateurs ont recruté de nombreux experts en la matière, en leur assignant soit le rôle d’avocat de la partie défenderesse, soit celui de l’advocatus diaboli. En somme, le Séminaire a dressé un portrait peu valorisant (mais pas pour autant alarmiste) de l’état du processus de codification. J’ai eu l’immense plaisir d’assister et de participer aux débats, dont je retrace ici le contenu pour BDE.
Le Droit international privé: un droit professoral complexe ou un facteur d’intégration et de sécurité juridique ?
Probablement les deux. Effectivement, d’aucun reconnaît volontiers les nombreux avantages provenant de l’harmonisation du Droit international privé au niveau européen. Par exemple, le système de reconnaissance et d’exécution des jugements étrangers mis en place par la Convention de Bruxelles de 1968 a incontestablement consolidé les échanges entre les particuliers et les commerçants des divers Etats-membres et, par là même, renforcé la sécurité juridique. Toutefois, le Droit international privé, tel que nous l’avons construit, a été qualifié à maintes reprises de « professoral » (c’est-à-dire principalement dogmatique), et extrêmement complexe. De plus, l’harmonisation du Droit international privé sans la correspondante création d’un droit matériel européen facilitant l’interprétation des concepts de cette discipline a été l’objet de critiques acerbes. Dans le même ordre d’idées, l’absence d’un Règlement codifiant ce que l’on pourrait appeler la « partie générale » du Droit international privé a été sérieusement déplorée.
Qu’en est-il en pratique ?
D’un point de vue pragmatique, les divers intervenants ont confirmé que l’application quotidienne du Droit international privé pose de nombreuses difficultés. Au travers de leurs exemples, ceux-ci ont souligné que la codification fragmentaire des questions de Droit international privé, et par conséquent, le recours nécessaire aux législations nationales (lorsque le législateur européen reste silencieux) provoque des incohérences parfois insolubles. Par exemple, le droit de procédure espagnol, qui concrétise les dispositions du Règlement de Bruxelles I bis en matière de reconnaissance et d’exécution des jugements étrangers, rend l’application de ce dernier difficile de par ses règles sur la forme du procès et les délais. Dès lors, malgré les efforts d’adaptation des législateurs nationaux, d’importantes frictions entre les différents niveaux législatifs subsistent. De même, la cohérence et la coordination des instruments de la Conférence de La Haye de droit international privé avec ceux de l’UE n’est pas entièrement satisfaisante.
De lege ferenda: codification ou consolidation ?
De façon unanime, les participants s’accordent à dire que l’heure est à la consolidation des acquis en matière de Droit international privé. Il a été justement rappelé que la simplification des textes et leur coordination font partie des objectifs de cette technique législative. En somme, à l’avenir, il ne s’agit pas de réguler plus, mais mieux. De plus, il semble que le modèle d’une Europe à différentes vitesses s’imposera en matière d’intégration, selon la majorité des participants.
Alexia Pato, Collaboratrice scientifique à l’Université de Wiesbaden