Dans cette troisième partie d’interview, le Maître de conférence Mehdi Mezaguer de l’Université de Nice Côte d’Azur nous explique sans concession la politique migratoire de l’Union européenne. Ce sujet complexe politiquement, mais également dans son application juridique est clairement abordé.
Pour aller plus loin :
- Arrêt du 28 avril 2011, Hassen El Dridi, affaire n°C-61/11
- Le droit antitrust de l’UE, Mehdi Mezaguer, part. 1
- Les procédures transactionnelles en droit antitrust de l’UE, Mehdi Mezaguer, part. 2
Je me permets un commentaire en ce qui concerne l’analyse de l’arrêt « El Dridi », lorsqu’est évoqué un refus de la Cour de « condamner la pénalisation du séjour irrégulier » (…) considérant que l’on se trouve face à une infraction administrative qui ne relèverait pas du droit pénal.
En fait la question posée à la Cour dans cette affaire portait sur la compatibilité du droit italien, prévoyant une peine d’emprisonnement pour les étrangers en situation irrégulière, et les dispositions de la directive 2008/115/CE « retour ».
En l’espèce, la Cour en avait conclu que cette directive – dont une réécriture est régulièrement évoquée – notamment ses articles 15 et 16, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation d’un État membre, prévoyant l’infliction d’une peine d’emprisonnement à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier, pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d’un ordre de quitter le territoire de cet État dans un délai déterminé, sur ledit territoire sans motif justifié.
Par la suite, elle avait eu l’occasion de préciser que cette même directive impose que la procédure d’éloignement soit menée prioritairement. Et qu’une peine d’emprisonnement peut alors intervenir, en cas d’échec de la procédure d’éloignement menée à son terme (arrêts Achughbabian C-329/11 du 6 décembre 2011 et Affum C‑47/15 du 7 juin 2016).
De par le fait, la pénalisation n’est absolument pas exclue, bien au contraire. Il reste tout à fait possible de prévoir, pour le seul séjour irrégulier, un délit non puni d’une peine d’emprisonnement ou la condamnation par une contravention de la cinquième classe, par exemple.
M. Jean-Claude BONICHOT, juge à la Cour de justice de l’Union européenne avait d’ailleurs clairement explicité ce point, dans le cadre d’un colloque portant sur « Le droit et les étrangers en situation irrégulière sur le territoire national » organisé le 21 novembre 2016 par la Cour de Cassation (https://www.courdecassation.fr/venements_23/colloques_4/colloques_videos_6111/situation_irreguliere_35805.html).
Dans son allocution intitulée « Aux frontières du droit national : le contrôle de l’étranger sous le regard du droit de l’Union, l’acquis de Schengen et la fin des frontières intérieures » (https://vimeo.com/196151854), il déclarait ceci (à 12″36 ) :
« Il faut être très clair, ces arrêts n’empêchent pas les États membres de qualifier d’infraction pénale l’entrée et le séjour irréguliers, ce qui serait contraire au simple bon sens, mais ces solutions impliquent que les règles soient aménagées de telle façon que l’éloignement soit assuré avec une priorité absolue. Et je suis d’opinion qu’il est parfaitement possible de rédiger des dispositions législatives en ce sens. »
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