Adriano Maffeo est professeur associé à la Faculté de Droit de l’Université de Naples « Federico II ».
Il est auteur d’une thèse sur « La protection des parties faibles dans les litiges transfrontaliers » sous la direction du Professeur Roberto Mastroianni.
S.X.: Parlez-nous de votre parcours académique.
A.M. : Après avoir complété mes études en droit, mon parcours académique a commencé à l’Université de Naples « Suor Orsola Benincasa »,avec un doctorat en « Droit de la concurrence et du marché dans l’Union européenne », dirigé par le Professeur Roberto Mastroianni. Étant donné que, comme je le dis souvent à mes étudiants, le droit européen « peut créer une dépendance », ce domaine a été le fil rouge de ma carrière.
En fait, à partir de 2012, d’abord avec des contrats annuels de recherche, puis à partir de 2016, en tant qu’attaché temporaire d’enseignement et de recherche, j’ai travaillé dans le domaine du droit de l’Union européenne à l’Université de Naples « Federico II » où j’ai été chargé du cours de « Contentieux de l’Union ».
Ensuite, en 2017, en vertu d’un accord Erasmus, j’ai été visiting professor à la Faculté de Droit et Sciences Politiques l’Université de Szeged (Hongrie), où j’ai été chargé d’un cours dans le contexte des activités en langue française de l’Université.
En 2018, j’ai obtenu la Qualification Scientifique Nationale (ASN) pour devenir professeur associé en droit de l’Union européenne.
S.X.: Quel a été votre sujet de thèse ? Pourquoi aviez-vous choisi ce sujet ?
A.M. : J’ai commencé le doctorat à la fin du 2007. Le législateur de l’UE venait d’adopter les règlements 864/2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II) et 861/07 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges. Les questions liées à la coopération judiciaire en matière civile suscitaient un vif intérêt et donc j’avais choisi de dédier ma thèse à l’étude de « La protection des parties faibles dans les litiges transfrontaliers » ; une thèse qui visait à examiner si les nouveaux instruments européens de droit procédural, et surtout le règlement des petits litiges, auraient eu un impact positif, et de quelle manière, sur l’effectivité de la protection juridictionnelle.
S.X.: Présentez-nous les idées principales et l’apport de votre thèse.
A.M. : Dans le contexte du marché intérieur, le rôle, en particulier, du consommateur, avait attiré l’attention, d’une part, de la Cour de Justice et, d’autre part, du législateur de l’Union. Cependant, les litiges liés aux contrats de la consommation sont souvent caractérisés par une valeur économique réduite, ce qui peut amener la partie la plus faible à renoncer à la protection de ses droits. Donc il était clair que cette dernière nécessiterait une protection spéciale aussi sur le plan processuel.
Toutefois, sauf certaines dispositions du règlement Bruxelles I, la plupart des interventions du législateur européen se limitaient à différents aspects de droit matériel. En outre, la notion de consommateur se prêtait à des interprétations différentes en fonction des champs d’application des instruments législatifs.
Dans ce contexte, l’idée de base de ma thèse était, premièrement, de circonscrire la notion de partie faible sans limiter l’analyse aux seuls consommateurs. En fait, il est possible d’identifier de nombreuses situations, dans lesquelles un sujet autre que le consommateur se trouve dans une condition d’infériorité similaire à ce dernier par rapport à l’autre partie contractante. En ce sens, on peut mentionner, par exemple, le travailleur salarié par rapport à l’employeur ou le voyageur (et pas seulement le voyageur consommateur) par rapport au transporteur.
Deuxièmement, le but de mon travail était d’étudier, à la lumière des nouveaux règlements 861/07 et 864/07 et, puis, de la directive 2008/52, si et dans quelle mesure l’harmonisation de certaines règles processuelles avait des avantages à la fois pour les parties faibles impliquées dans des litiges transfrontaliers et pour le marché, en général.
S.X.: Quelle est l’actualité de votre sujet de thèse? Est-ce que l’état du droit et de la jurisprudence ont évolués depuis ?
A.M. : Malgré les bonnes intentions, force est de constater que surtout l’application du règlement 861/07 n’a pas eu un grand succès dans la pratique. Nonobstant sa refonte en 2015, l’utilisation de cette procédure a été marginale.
Au delà des efforts du législateur de l’Union, c’est à la Cour de Justice qu’il faut reconnaître le mérite d’avoir réalisé une harmonisation, que l’on peut définir comme « indirecte », des règles procédurales nationales. Celle-ci a été effectuée à travers l’utilisation des principes généraux du droit, tels que les principes d’effectivité de la protection juridictionnelle et d’équivalence, tout en respectant l’autonomie des États Membres.
S.X.: Après votre thèse, quelle est la matière ou les questions qui vous intéressent le plus et pourquoi ?
A.M. : Dans les dernières années, on peut observer une attention croissante pour l’harmonisation des règles procédurales nationales ainsi que le lancement de plusieurs études sur l’établissement d’un cadre de normes minimales communes de procédure civile.
En ce sens, le Parlement européen a adopté une résolution contenant des recommandations à la Commission (du 4 juillet 2017) accompagnée d’une proposition de directive en annexe. Dans ce contexte, l’un des aspects les plus intéressants est la différente d’approche par rapport au passé, c’est-à-dire le choix d’opter pour la définition d’un cadre minimum de règles harmonisées plutôt que d’adopter des nouveaux recours procéduraux uniformes. La question de la détermination de la base juridique à utiliser pour la mise en œuvre d’une telle intervention suscite aussi mon intérêt: d’un côté, l’utilisation de l‘article 114 TFUE pourrait donner une portée plus large et générale d’un acte juridique dans le contexte du droit de procédure civile, car il étendrait le champ d’application également aux questions internes. D’un autre côté, l‘article 81 TFUE, dont l’utilisation aurait pour effet de limiter le champ d’application aux seules hypothèses dans lesquelles il y a une « incidence transfrontière », semble être la base juridique la plus adaptée.
Pour autant, la Commission n’a pas accepté de suivre la recommandation du Parlement, tout en s’employant à analyser si, et dans quelle mesure, des actions supplémentaires doivent être adoptées.
Cela dit, dans le système actuel de l’ordre juridique de l’Union issu du traité de Lisbonne, l’analyse de la jurisprudence de la Cour de justice surtout à la lumière du rôle de plus en plus incisif de la Charte des droits fondamentaux, présente un intérêt particulier.