Les aides d’État ne doivent pas fausser la concurrence dans le marché intérieur et ni affecter les échanges entre États membres d’une manière contraire à l’intérêt commun. Ce principe d’interdiction des aides d’Etat, est énoncé à l’article 107 paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Cependant, dès l’énoncé de ce principe, les paragraphe 2 et 3 du même article 107, prévoient que ces aides publiques puissent relever de catégories d’exceptions en distinguant les aides qui sont compatibles et celles qui peuvent l’être.
Aucun de ces paragraphes ne fait mention d’une politique environnementale, sauf à avoir une appréciation extensive de l’exception prévue au point b) du 2e paragraphe, concernant « les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires ». Il faut plutôt envisager la dernière catégorie d’exception, prévue au point e) du 3e paragraphe de l’article 107 TFUE, « les autres catégories d’aides déterminées par décision du Conseil sur proposition de la Commission ».
Dans cette latitude d’agir offerte à la Commission, il importe de comprendre la résolution du Parlement européen du 21 octobre 2021 qui envisage la politique de la Commission européenne, au travers de ses lignes directrices concernant les aides d’État au climat, à la protection de l’environnement et à l’énergie.
L’urgence climatique et le régime des aides d’État.
C’est dans ce cadre qu’il y a deux ans, la Commission européenne a publié une communication sur le pacte vert pour l’Europe. Le 11 décembre 2019, elle y exposait les politiques visant à parvenir à la neutralité climatique en Europe d’ici à 2050 et à résoudre d’autres problèmes environnementaux.
Pour mettre en œuvre ce pacte vert pour l’Europe, la Commission listait les politiques à repenser, comme en matière d’approvisionnement en énergie propre pour l’ensemble de l’économie, et notamment en matière d’industrie, de production et de consommation, de grandes infrastructures, de transports, d’alimentation, d’agriculture, de construction, ainsi que de fiscalité et de prestations sociales. Autant d’objectifs qui sont confirmés par la survenue de la pandémie de la Covid-19.
En ce qui concerne l’encadrement juridique des aides d’États, l’objectif premier du contrôle des aides d’État s’inscrit dans le contexte de la mise en œuvre du Système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE). En appliquant, le principe commun à tout le régime des aides publiques qui veut que les effets positifs des aides l’emportent sur leurs effets négatifs en termes de distorsions de la concurrence dans le marché intérieur, il s’agit de garantir une concurrence égale dans un objectif de fin des émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici à 2050. La croissance économique serait ainsi dissociée de l’utilisation des ressources énergétiques.
Ces aides envisagent autant à compenser les hausses des prix de l’électricité résultant de l’inclusion des coûts des émissions de gaz à effet de serre, que celles liées à l’option d’allocation transitoire de quotas à titre gratuit pour la modernisation du secteur de l’énergie.
Dès lors, toute aide d’État doit répondre à une double condition. Elle doit être nécessaire pour réaliser l’objectif environnemental du SEQE de l’UE et être limitée au minimum nécessaire pour atteindre le niveau de protection de l’environnement recherché sans créer de distorsions indues de la concurrence et des échanges dans le marché intérieur.
Le dialogue interinstitutionnel en marge de la COP 26.
Alors qu’un tiers des 1 800 milliards d’euros d’investissements du plan de relance NextGenerationEU et le budget septennal de l’UE financeront le pacte vert pour l’Europe, les lignes directrices concernant les aides d’État au climat, à la protection de l’environnement et à l’énergie étaient particulièrement attendues. En rappelant les objectifs de concurrence et de mise en œuvre du mix énergétique comme diversification des sources d’approvisionnement et le développement des énergies renouvelables, la Commission européenne a souhaité avancer sur une politique de l’énergie qui doit tenir compte d’un équilibre subtil énoncé à l’article 194 du TFUE.
Depuis la 21e Conférence des parties (COP) à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, tenue à Paris en 1992, il apparaît comme évident de contraindre les objectifs de développement économique par des objectifs environnementaux, pour former un ensemble cohérent et donc efficace pour répondre à l’urgence climatique. La réalité des décisions politiques est souvent autre.
Le débat actuel autour de ces lignes directrices montre ainsi toutes les contradictions que peuvent faire naître la formulation de l’article 194 du TFUE quand il embrasse dans un même temps « l’établissement puis le fonctionnement du marché intérieur » contraints par « l’exigence de préserver et d’améliorer l’environnement », et la nécessité d’« un esprit de solidarité entre les États membres ».
Si, la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie vise autant à assurer le fonctionnement du marché de l’énergie que la sécurité de son approvisionnement énergétique par l’interconnexion de ses réseaux énergétiques, elle doit, aussi et dans le même temps, promouvoir l’efficacité énergétique et les économies d’énergie comme le développement des énergies nouvelles et renouvelables, sans affecter « le droit d’un État membre de déterminer les conditions d’exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique ».
Le Parlement européen prend date dans la transition énergétique.
Ainsi, le Parlement européen a fait entendre son point de vue en adoptant ce 21 octobre 2021 la résolution n°2021/2923(RSP) sur les lignes directrices de la Commission européenne. Par 415 voix pour, 220 contre et 51 abstentions, la démarche générale de la Commission est confortée. Les députés ont en effet approuvé les objectifs de protections de l’environnement et de l’énergie par la restructuration, l’adaptation et la mise à niveau environnementale de l’infrastructure, notamment en développant les technologies dites propres.
Mais il n’en reste pas moins que le Parlement européen réclame une action plus volontariste quant au mix énergétique (énergies fossiles/renouvelables) en estimant nécessaire que ces dernières soient mieux prises en compte par les lignes directrices.
On peut envisager que la position de la Commission est le reflet des débats entre Etats membres sur la dépendance des uns et des autres à telle ou telle énergie. A l’image de la Pologne, dont 80 % de l’électricité repose sur le charbon, quand, en Estonie, celle-ci est issue à 76 % de l’exploitation de schistes bitumineux. Deux situations opposées à celle de la France qui atteignait 19,1 % d’énergies renouvelables dans sa consommation finale en 2020, face aux 77 % de la production d’électricité assurée par la fission des atomes d’uranium.
Le Parlement joue ainsi son rôle d’aiguillon de la Commission européenne qui apparaît en retrait avec les urgences climatiques en débat lors de la COP 26 et au sein même de l’Union européenne, dans le cadre de l’européanisation des politiques énergétiques.