
La France assure la présidence de l’UE durant le premier semestre 2022. La presse s’en est fait timidement l’écho, en cherchant à expliquer le fonctionnement et les enjeux de cette présidence souvent peu, voire mal connue, ou mal comprise. Il est vrai que depuis le Traité de Lisbonne, la typologie des présidences a été modifiée. Les présidences tournantes du Conseil de l’UE coexistent avec une présidence fixe du Conseil européen. Cette dualité crée parfois de la confusion. Bien plus, le fait qu’aucun chef de l’État, ou de gouvernement ne soit amené à assurer la Présidence du Conseil européen questionne la réalité de l’enjeu de la Présidence du Conseil de l’UE. Le Conseil européen est souvent considéré comme l’institution d’impulsion où toutes les décisions importantes, les arbitrages politiques de l’Union européenne sont pris. Le Conseil de l’UE est avant tout le co-législateur qui adopte le droit de l’UE en accord avec le Parlement européen. Un État membre, peut-il à lui seul donner une réelle impulsion législative durant les six mois de sa présidence du Conseil de l’UE ? Le maintien de ces présidences tournantes a-il aujourd’hui un sens ? La question est légitime, et appelle une réponse positive. Au-delà de la dimension symbolique, l’exercice national de la présidence du Conseil de l’Union sert avant tout à vivre l’articulation de son identité nationale avec celle de l’Union européenne. Cette articulation est d’ailleurs au cœur de la polémique autour de l’accrochage provisoire du drapeau européen sous l’arc de Triomphe pour l’ouverture de la présidence française du Conseil de l’UE. Ceux pour qui la dualité de leur identité est évidente et apaisée n’auront pas compris en quoi cette accrochage pouvait être choquant. Certains soulignent à raison que le drapeau français ne flotte au dessus de l’Arc de triomphe que pour des cérémonies nationales comme le 8 mai , le 11 novembre ou le 14 juillet. (voir le blog-notes de BHL dans Le point du 4 janvier). Ceux pour qui cette dualité est encore fragile ou rejetée y voient une provocation d’autant plus que lors de la dernière présidence française de l’UE en 2008, le président Sarkozy avait choisi la cohabitation entre le drapeau européen et et français. Il est vrai que Nicolas Sarkozy est le premier président à avoir assumé officiellement sa double appartenance en l’affichant dans sa photo officielle. Ce choix n’avait à l’époque choqué personne, alors même que les français avaient refusé le Traité constitutionnel qui comportait la consécration de ce même drapeau comme symbole de l’UE. L’ampleur de la polémique actuelle marque sans doute les tensions qui habitent notre époque et notre pays. L’incapacité certaine de l’Europe à résoudre tous nos maux ne devrait pas nous détourner de trouver des solutions européennes aux polycrises que nous devons affronter. Face à la Chine, la Russie et aux États-Unis, face au changement climatique ou à la transformation numérique, l’affirmation d’une souveraineté européenne apparaît de plus en plus nécessaire comme le prolongement et non la substitution d’une souveraineté nationale. Trouver ce délicat équilibre est au cœur des dossiers législatifs de la présidence française du Conseil de l’UE.
1. Présider le Conseil de l’UE, c’est organiser les travaux législatifs du Conseil
Présider le Conseil de l’UE signifie avant tout planifier et présider la plupart des sessions du conseil de l’UE et de ses réunions préparatoires. Ainsi, neufs des dix formations du Conseil de l’UE, principal co-législateur de l’UE avec le Parlement européen, seront présidées par un Ministre français. Seule exception, Conseil affaires étrangères qui dispose d’une présidence fixe depuis le Traité de Lisbonne. Cette présidence est actuellement exercée par Josep Borell qui est le Haut Représentant aux affaires étrangères et également Vice-Président de la Commission européenne.
Il ne s’agit pas pour la France de présider l’Union européenne comme pourrait laisser penser l’acronyme PFUE2022. La présidence fixe du Conseil européen est actuellement exercée par Charles Michel. C’est donc lui qui continuera à présider cette institution et non le président Macron. Il s’agit là d’un changement majeur par rapport à l’ancienne présidence Française qui s’est tenue en 2008 soit avant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. Pour autant, la PFUE2022 comporte un certain nombre de rendez-vous présidentiels parmi lesquels: l’accueil du collège des commissaires européens à Paris les 6 et 7 janvier et surtout la présentation des priorités de la PFUE2022 devant le Parlement européen le 19 janvier.
Il est vrai que la seconde fonction de la Présidence du Conseil de l’UE est d’assurer la représentation du Conseil dans les relations avec les autres institutions européennes notamment la Commission et le Parlement européen.
Enfin, la PFUE2022 lance un nouveau trio de présidences du Conseil de l’UE, avec la France, la République Tchèque et la Suède. Ces trois États ont élaboré ensemble le programme commun de dix huit mois du Conseil de l’UE du 1er janvier 2022 au 30 juin 2023. Ce programme commun repose sur quatre thèmes prioritaires:

C’est l’occasion de rappeler que les trios de présidences introduits par le Traité de Lisbonne avaient été pensés comme des « vecteurs d’intégration intergouvernementale » (Filippa Chatzistavrou, Revue de l’UE, 2013) dont la réalité dépend fortement du degré de collégialité entre les États membres de ce trio. En tant que premier membre de ce trio de présidence, la France a donc une responsabilité particulière celle d’instituer une véritable dynamique de collaboration entre les administrations des États membres de ce trio pour faciliter les interactions intergouvernementales. C’est au sein du Conseil Affaires générales, chargé de préparer notamment les Conseils européens, mais aussi des Ministères des affaires étrangères de ces trois États membres qu’il serait intéressant de voir si cette dynamique de coordination s’opère. La PFUE2022 pourrait ouvrir un champ de recherches empiriques pour évaluer l’impact de ce trio de présidence en terme de gouvernance, mais aussi d’européanisation des cultures administratives nationales.
2. Présider le Conseil de l’UE permet à chaque État de vivre son « moment européen »
Présider le Conseil de l’UE est une occasion unique qui se présente tous les quatorze ans et qui permet à l’ensemble des forces vives d’un État membre de participer plus activement à l’élaboration du droit et des politiques européennes.
Du point de vue quantitatif cela n’est pas négligeable. Le site internet de la PFUE202 rappelle que cette présidence donnera lieu à plus 500 évènements en France et au sein de l’UE. Cela comprend des réunions politiques et techniques, y compris avec une dimension parlementaire, plus d’une centaines de colloques ou séminaires, et des manifestations culturelles, ouvertes à l’ensemble des citoyens.

La présidence nationale du Conseil de l’UE donne ainsi un cadre pour un débat public sur les questions européennes. Cela est d’autant plus vrai dans le cas de la PFUE2022 pour des raisons contextuelles.
3. La PFUE2022 un délicat exercice d’équilibriste entre agenda européen et agenda national
La PFUE2022 s’inscrit dans un contexte politique difficile liée à la crise de la Covid-19 et ses conséquences socio-économiques. En outre, elle est marquée par deux rendez-vous majeurs : la clôture de la Conférence sur l’avenir de l’Europe prévue à Strasbourg en mai 2022 et la tenue des élections présidentielles (10-14 avril 2022) et législatives françaises (12 et 19 juin 2022).
La PFUE2022 assure la co-présidence de la Conférence sur l’avenir de l’Europe ainsi que de son Conseil exécutif. A ce titre, la PFUE a pour ambition « d’identifier les priorités d’action de l’UE pour l’avenir » et d’aboutir » à des mesures les plus concrètes possibles afin d’identifier les moyens de les mettre en œuvre ». (Programme PFUE2022 p. 8 sur le renforcement de la démocratie européenne). Cette priorité a aussi été affichée dans l’introduction du programme commun qui prévoit une coordination du trio des présidences sur ce point central.

Enfin, le Président Macron a clairement choisi de placer la PFUE2022 au cœur de sa stratégie pour sa future campagne présidentielle au point que certains y voit une « présidence de trop » ou une « présidence à risque« . Le programme de la PFUE2022 apparaît alors comme une version actualisée des orientations fixées par le Président de la République dans son discours pour une Europe souveraine, unie et démocratique prononcé le 26 septembre 2017 à La Sorbonne. Il est présenté autour d’une devise en trois mots clefs: Relance, puissance, et appartenance.

Il repose sur trois ambitions:
- Rendre l’Europe plus souveraine ( voir analyse collective faite par blogdroiteuropéen sur cet aspect discours de la Sorbonne qui est encore d’actualité)
- Créer un nouveau modèle européen de croissance.
- Affirmer la dimension humaine de l’Europe
L’objet de ce post n’est pas de synthétiser les soixante-seize pages du programme de la PFUE2022, ni même de détailler les plus importantes, mais d’ouvrir le débat et de susciter de nouvelles publications. De façon symbolique, la PFUE2022 communique autour de trois textes emblématiques qui seront au cœur de ses travaux:
- La régulation numérique avec les propositions de règlement relatif à un marché intérieur des services numériques (dite Digital Service Act, DSA) et celle relative aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique (dite Digital Market Act, DMA)
- la création d’un prix carbone aux frontières de l’UE sur les produits importés qui constitue une pièce maîtresse du Green Deal de Commission européenne
- la proposition de directive sur les salaires minimum
Pour finir de façon plus anecdotique la PFUE2022 met l’accent sur deux thématiques. La PFUE2022 entend assurer la sauvegarde du multilinguisme dans l’UE, fort du rapport de Christian Lequesne qui fera l’objet d’un futur post. La PFUE2022 se pose aussi en modèle en établissant une cadre de référence développement durable pour être neutre en carbone sur la base de neufs engagements.

Pour ceux d’entre vous qui seraient dans l’envie d’écrire des posts (autour de 1000 mots sans notes mais avec des liens hypertextes) ou des workingpapers (10 pages avec notes) sur la PFUE2022 ou sur des dossiers qu’elle doit traiter n’hésitez pas à nous contacter blogdroiteuropeen@gmail.com