La Commission a adopté le 23 mai 2022 un plan d’urgence pour les transports. L’objectif affiché est de protéger les différents modes de transports de l’Union européenne en temps de crise tant il est vrai que la COVID-19 et le conflit russo-ukrainien ont pu mettre à mal ce secteur. Quelques jours plus tard, le Parlement prenait position sur l’Ajustement Fit 55. La concomitance des agendas met en perspective que l’une et l’autre de ces décisions se rencontrent sur la nécessité d’intégrer durablement, la résilience dans la politique de transports de l’Union européenne.
L’enchaînement des crises systémiques amène à un fondu enchaîné d’actions menées par l’Union pour adapter, au secteur des transports, la nécessaire transition énergétique qui participe à la transition écologique du Pacte vert, nouvelle orientation générale des politiques de l’Union.
Tirer les enseignements de la pandémie de la COVID-19
Originellement, le mot « résilience » est un concept physique qui désigne l’aptitude d’un corps à résister à un choc. Appliqué aux sciences sociales, il a pour objet l’évaluation de la capacité à vivre et réagir, de manière socialement acceptable, en dépit du stress ou d’une adversité. Appliquée au droit de la concurrence et à la politique des transports de l’UE, la résilience est, actuellement, érigée en objectif, autant qu’en principe d’organisation, par le Pacte vert européen.
La pandémie de la COVID-19 en mettant, encore aujourd’hui, aux défis le secteur des transports de l’UE avait mis en lumière la nécessité de la coordination entre les États membres, ceux-là même qui sont actuellement confrontés à l’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine. L’importance du secteur des transports de l’UE se mesure autant par les 664 milliards d’euros de valeur ajoutée brute en 2016, que par les 11 millions de personnes employées. La nécessité de le renforcer imposait donc un plan d’urgence, créant un cadre, que la Commission souhaite le plus solide possible. Dès lors, la volonté de l’Union est non pas de sanctuariser le secteur des transports en Europe mais plutôt de lui permettre de réagir en anticipant et/ou en développant ses moyens de faire face pour continuer son rôle d’approvisionnement et de mobilité.
A l’image des corridors énergétiques ou sanitaires, il s’agit des corridors de solidarité UE-Ukraine, qui aident désormais l’Ukraine à la migration des populations touchées par les combats et à exporter les céréales produites et stockées par ce pays. Le plan soumet, ainsi, l’idée de la pertinence des principes régissant les voies réservées, qui permettent au fret routier de traverser les frontières en moins de quinze minutes. Cela passe autant par l’amélioration des infrastructures, notamment la question du standard ferroviaire d’écartement des voies, que par le renforcement du rôle du réseau de points de contact au sein des autorités nationales chargées des transports.
Ainsi, l’un des principaux enseignements de la pandémie réside dans l’importance que revêt la coordination des mesures de réaction aux crises afin d’éviter les blocages aux frontières, des personnes salariées du secteur des transports comme des matériels, camions, trains ou bateaux. C’est, ainsi, la garantie de la libre circulation des marchandises, des services et des personnes.
Anticiper les réponses à donner pour les crises futures
L’initiative présentée faisait suite à une demande du Conseil invitant la Commission à élaborer un plan d’urgence pour le secteur européen des transports en cas de pandémie et d’autres crises majeures. Elle s’inscrit donc dans la suite des engagements pris par la Commission. L’un d’eux l’avait été, dès décembre 2020, afin de « renforcer l’autonomie stratégique et la résilience de l’UE » dans le cadre de la stratégie de mobilité durable et intelligente qui faisait suite à l’initiative de transition énergétique de l’aviation. Il s’agissait de chercher à développer les carburants « durables » pour l’aviation à base de biocarburants avancés et carburants de synthèse. L’objectif était de permettre au transport aérien d’accélérer son tournant énergétique et faire face aux critiques de plus en plus importantes, quant à son impact environnemental. Mais, au-delà du seul transport aérien, c’est tout le secteur qui est envisagé par la proposition de règlement pour un déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs pour répondre à la nécessaire transition énergétique participant de la transition écologique.
Le vœux de la Commission européenne et des États membres est que ce plan d’urgence puisse relever les défis actuels auxquels est confronté le secteur des transports. On l’a compris, cet objectif n’est possible que dans une appréciation plus large que le seul secteur des transports. C’est pourquoi, il est la continuité sectorielle d’une politique énergétique faisant l’objet, elle-même d’une initiative générale. Dans son communiqué de presse du 18 mai 2022, la Commission faisait le constat d’une double urgence à transformer le système énergétique européen. Cela passe par mettre fin à la dépendance de l’UE à l’égard des combustibles fossiles russes et lutter contre la crise climatique. En cela, l’initiative RePowerEU, réponse de l’Union européenne à la dépense énergétique envers la Russie, se veut la continuité des autres politiques structurantes qui ont émergé après les élections européennes de 2019 avec le Pacte vert européen puis le plan de relance économique à la suite de la crise de la COVID.
Cela donne alors le sentiment que le nouveau narratif européen porte, bel et bien, sur l’objectif d’une plus grande indépendance de l’Union pour assurer sa pleine souveraineté. Il y a plus de vingt-ans, Le Livre vert présenté par la Commission européenne le 29 novembre 2000 et intitulé « Vers une stratégie européenne d’approvisionnement énergétique » avait posé les premiers jalons d’une future politique européenne énergétique, en évoquant notamment les « Otages des hydrocarbures » que sont les ménages, le secteur tertiaire et celui des transports.
En conclusion, ce plan d’urgence pour les transports s’inscrit dans un écosystème complet en faisant le lien entre les différentes initiatives depuis le début des années 2000. En cela, il prévoit que les principes directeurs, en garantissant que les mesures de réaction aux crises soient proportionnées, transparentes et non discriminatoires, et donc conformes aux traités de l’UE. Il ne s’agit pas, en effet, de créer une nouvelle occasion des dissensions entre les États membres, sur les questions environnementales, alors que ceux-ci sont déjà opposés sur les questions sociales appliquées au transport.