Aides d’État et rescrits fiscaux : la nouvelle donne apportée par l’arrêt Fiat de la Cour de justice, Charlotte Delsol

Abstract: On 8 November 2022, the Court of Justice of the EU set aside the ruling of the General Court of the EU and annulled the commission’s decision in the Fiat case. In this case, the Commission argued that Luxembourg breached state aid rules in approving an advance transfer pricing agreement for the Fiat group in Luxembourg. The decision of the Court may weaken the position of the Commission in other, similar transfer pricing cases, in particular cases pending in front of the Court against Amazon and Apple. This study analyses the context that led the Commission to challenge tax rulings granted by some Member States to multinational groups based on EU State aid legislation. It explains the reasoning of the Commission and how the Commission’s position was, in part, endorsed by the General Court of the EU, to be finally crushed by the Court.

Le 8 novembre, la Cour de justice a rendu son arrêt dans l’affaire Fiat Chrysler Finance Europe et Irlande contre Commission. Par cet arrêt, la Cour annule l’arrêt du Tribunal rendu trois ans auparavant qui donnait raison à la Commission dans son analyse des rescrits fiscaux accordés par le Luxembourg au groupe Fiat sur son territoire. La décision de la Commission européenne du 21 octobre 2015 concernant l’aide d’État luxembourgeoise est également annulée.Un rescrit fiscal (« tax ruling ») est une réponse apportée par l’administration fiscale d’un pays à une question posée par un contribuable résidant ou établi sur son territoire concernant les aspects fiscaux d’une opération ou d’une transaction en particulier. Ces réponses lient l’administration fiscale.La Commission européenne a ciblé les pratiques de certains États membres en matière de rescrits fiscaux par le biais de la réglementation européenne sur les aides d’État. L’arrêt du 8 novembre paraît désavouer le positionnement de la Commission qui a voulu faire d’un hypothétique principe de pleine concurrence européen autonome son arme pour contrôler les pratiques fiscales déloyales de certains États membres.Dans cet arrêt, la Cour reconnaît l’existence d’un principe de pleine concurrence en droit luxembourgeois. Ce principe, qui consiste à appliquer un prix de marché aux transactions intra-groupe, est aujourd’hui largement appliqué par les États membres. Toutefois, ce principe ne fait pas l’objet d’une harmonisation au sein de l’Union. Partant, la Cour n’accepte pas que la Commission puisse l’interpréter de façon autonome, en s’appuyant sur les lignes directrices développées par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), sans prendre en compte l’interprétation que peuvent en faire les États membres dans leur législation, ou dans leur pratique administrative car tous les États membres n’ont pas inscrit ce principe dans leur loi. La position de la Cour laisse présager une issue défavorable pour les affaires pendantes devant la Cour concernant les rescrits en matière de prix de transfert Cette étude rappelle le contexte qui a amené la Commission européenne à s’attaquer à la pratique des rescrits fiscaux dans l’Union, puis analyse le raisonnement juridique avancé par la Commission pour déclarer ces rescrits illégaux et incompatibles avec le marché intérieur en vertu de la réglementation européenne sur les aides d’État avant de préciser la réponse apportée par le Tribunal puis par la Cour à ce raisonnement.

Sommaire

1.Introduction

2. Rappel du contexte entourant la polémique des rescrits fiscaux au sein de l’Union européenne

2.1. La pratique des « tax rulings » sous le feu des critiques dans les années 2010

2.2. Le lancement d’une série d’enquêtes par la Commission européenne sur les rescrits fiscaux en 2015

2.3. La détermination de la politique de prix de transfert et l’application du principe de pleine concurrence au cœur des rescrits controversés

2.4. Eléments factuels sur les principales affaires impliquant des rescrits en matière de prix de transfert

2.4.1. Affaire Starbucks

2.4..2. Affaire Apple

2.4.3. Affaire Fiat

2.4.4. Affaire Amazon

3. L’analyse de la Commission concernant l’existence d’un avantage sélectif contraire à la règlementation sur les aides d’Etats et la réponse de la CJUE

3.1. Les conditions de l’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE

3.2. Le Tribunal confirme le raisonnement de la Commission sur la sélectivité de l’avantage mais censure la Commission sur la question de la preuve

3.3. L’approche restrictive de la Cour de justice dans l’affaire Fiat quant à la définition du système de référence pour l’établissement de l’avantage sélectif

4. Conclusion

Charlotte Delsol is a legal expert at the European Commission (DG TAXUD). She studied law in France, Ireland and the UK and was admitted to the Paris Bar school in 2015. She is currently working at DG TAXUD, where she is involved in several projects in the field of direct taxation, including the implementation within the EU of the international reform on minimum taxation (Pillar Two) and the EU own resources initiative on a digital levy.
Prior to DG TAXUD, Charlotte worked as a tax lawyer in a French law firm (2015-2018), where she did litigation on European and international tax matters and advised clients on their tax operations.

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