Les aides d’État de nature fiscale en droit de l’Union européenne, Ioanna PAPADAMAKI (partie 1)

Ioanna PAPADAMAKI est Docteur en droit de l’Université Paris Panthéon-Assas. Elle est auteure d’une thèse sur les aides d’État de nature fiscale en droit de l’Union  européenne, qui a été réalisée sous la direction du  Professeur Dominique Berlin. 

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S.X. Quel est votre parcours académique ?

Ioanna PAPADAMAKI : Je suis titulaire d’une maîtrise de droit de l’Université de Thessalonique, en Grèce. Suite à un Master 2 de spécialisation en droit communautaire dans la même Université, je suis venue en France afin de compléter ma formation au sein du Master 2 Droit public approfondi de l’Université Paris II, établissement dans lequel j’ai ensuite réalisé ma thèse.

S.X. Quel a été votre sujet de thèse ? Pourquoi aviez-vous choisi ce sujet ?

Ioanna PAPADAMAKI : L’utilisation des incitations fiscales de la part des États membres susceptibles d’entraver la libre concurrence est de plus en plus fréquente – comme le confirme l’actualité. Il suffit de faire référence aux affaires relatives aux sociétés comme Starbucks, Fiat, Apple qui se voient contraintes de rembourser des sommes qui s’élèvent parfois à plusieurs milliards d’euros en contrepartie d’aides fiscales dont elles ont bénéficié pendant plusieurs années. Dans une approche plus théorique, la fréquence d’utilisation des aides fiscales a attiré l’intérêt de la doctrine au regard de la qualification de ces mesures fiscales en tant qu’aides et a suscité des critiques quant à la finalité du contrôle de ces aides de la part des autorités de l’Union, parfois accusées d’utiliser ce contrôle comme moyen d’harmonisation de la fiscalité directe. Il s’agit de remarques et de questions d’un grand intérêt juridique et aussi politique mais qui n’ont pas été à l’origine d’une étude propre aux aides fiscales.

J’ai alors décidé de préparer une thèse consacrée aux aides d’État de nature fiscale en droit de l’Union européenne, un choix justifié par l’actualité du sujet, son originalité, mais aussi l’importance des questions liées à cette thématique. Bien que d’apparence technique, ce sujet touche la question fondamentale de la répartition des compétences entre les États membres et l’Union en matière de fiscalité directe. Le contrôle des aides fiscales permet au final de jeter un œil nouveau sur l’étendue des compétences de l’Union en matière de fiscalité directe et de repositionner, éventuellement, la ligne de démarcation entre souveraineté fiscale des États membres et limitation tolérable de celle-ci par le droit de l’Union.

S.X. Présentez-nous les idées principales de votre thèse.

Ioanna PAPADAMAKI :  Les finalités du droit fiscal de l’Union sont présentées par la doctrine à travers un double prisme : il y a des mécanismes qui contrôlent les systèmes fiscaux nationaux et des mécanismes qui élaborent des règles qui s’appliquent en droit national ; autrement dit, il y a des moyens qui parviennent soit à une intégration négative de la fiscalité nationale soit à une intégration positive. Le contrôle des aides fiscales s’inscrit traditionnellement dans la première catégorie mais, comme il a été noté plus haut, les critiques par rapport à ceci ne manquent pas.Ma thèse se fonde sur l’hypothèse principale que les critiques relatives à la finalité du contrôle des aides fiscales sont avérées, hypothèse qui ouvre la porte à plusieurs pistes de réflexion et interrogations. Quelle est la véritable finalité ou, mieux, la pluralité des finalités du contrôle des aides fiscales ? Dans le cas où le dépassement de la finalité initiale se confirme, quelles sont les raisons sous-jacentes à ce dépassement ? Plus encore, quelles seraient éventuellement les conséquences sur la structure du droit fiscal de l’Union et sur la répartition des compétences entre les États membres et l’Union en matière de fiscalité directe ?

S.X. Quelle est votre conclusion ?

Ioanna PAPADAMAKI : Au terme de mon étude, une fois que j’ai systématisé la méthode d’identification d’une aide fiscale, j’ai essayé de mettre en exergue la fonctionnalité du contrôle des aides fiscales : d’un moyen de prohibition des mesures fiscales susceptibles de provoquer des distorsions de la concurrence au sein du marché intérieur et d’un instrument dans le cadre de la régulation de la concurrence fiscale dommageable, il se présente comme un « substitut » de l’harmonisation fiscale. Ce substitut prend la forme d’une nouvelle méthode d’intégration positive (ou, mieux, quasi-positive), qui relève de la technique de la coordination des systèmes fiscaux nationaux, une coordination qui a lieu au nom et selon les objectifs de l’intérêt commun européen.

Suite à ce « renouveau » dans la structure du droit fiscal de l’Union et dans l’étendue des compétences de l’Union en matière de fiscalité directe, peut-on affirmer un changement quant à l’appréhension de la fiscalité nationale ? Cette dernière, d’abord obstacle, peut-elle désormais devenir un moyen pour mettre en œuvre les objectifs d’intérêt commun européen ? Il me semble qu’il faut répondre à ces questions par l’affirmative. Une perception positive de la fiscalité nationale fait son apparition au niveau européen, ce qui peut être conçu comme un indicateur vers l’émergence d’une véritable politique fiscale de l’Union, qui de son côté, constituerait un moyen de mise en œuvre des différentes politiques de l’Union, la fiscalité étant conçue comme le médian traversant tous les secteurs.

S.X. Est-ce que la compréhension des notions économiques a affecté le contenu de votre étude ?

Ioanna PAPADAMAKI : Le rôle de l’analyse économique s’impose avec de plus en plus d’importance en matière d’aides d’État, sans pour autant atteindre le même degré d’implication qui caractérise cette analyse en droit antitrust. Il est acquis qu’une analyse économique plus fine est nécessaire pour évaluer les distorsions de la concurrence et des échanges, soit affirmer dans un premier temps la qualification d’une mesure fiscale en tant qu’aide et examiner ensuite sa compatibilité avec le marché intérieur. Je ne pouvais donc pas passer à côté d’un élément si important, voir indispensable, pour l’étude de mon sujet.

S.X. Si oui, comment peut un chercheur de droit faire face aux difficultés liées à un autre domaine d’études qui lui est inconnu ?

Ioanna PAPADAMAKI : Dans un premier temps, le chercheur doit certainement élargir le spectre de ses lectures. La consultation par exemple de manière ponctuelle de certains manuels en économie peut s’avérer très utile. Il faut aussi lire attentivement tout document relatif – le plus souvent il s’agit d’actes atypiques – provenant des institutions de l’Union et expliquant leur ligne de conduite à suivre, qui peut donner des indications utiles en ce sens. Ensuite, le chercheur ne doit pas hésiter à discuter de ses difficultés avec son directeur ou avec d’autres chercheurs.

Propos recueillis par Stamatina Xefteri

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