Le sport au sein du Conseil de l’Europe. Interview avec Cassandra Fernandes, 1ère partie

Cassandra Fernandes est spécialiste en droit du sport et travaille en tant que juriste au sein de la division des Conventions du sport du Conseil de l’Europe. Son travail porte actuellement sur les aspects juridiques de la lutte contre la manipulation des compétions sportives et devraient bientôt porter également sur les questions relatives à la lutte contre le dopage. Elle est notamment chargée d’un projet qui accorde une assistance technique permettant aux Etats d’adopter des mesures pour lutter de manière plus efficace contre la corruption dans le sport, conformément aux Conventions du Conseil de l’Europe.

Pour plus d’informations vous pouvez consulter son profil professionnel LinkedIn.

Dans cette première partie de l’interview, Mme Cassandra Fernandes nous parle de la prise en compte du sport au sein du Conseil de l’Europe.

Question. Pourquoi et depuis quand le Conseil de l’Europe s’intéresse au sport ?

Réponse. Le Conseil de l’Europe s’intéresse au sport depuis bien longtemps, depuis la fin des années 1960 avec certains scandales liés au dopage dans le cyclisme. C’est suites à des affaires ayant un retentissement mondial, que les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe ont pris la décision politique de faire quelque chose, de réagir. Il y a eu certaines recommandations passées par le Comité des ministres représentés par les ministres des Affaires étrangères de tous les Etats membres et certaines recommandations ont été adoptées pour lutter au niveau politique et stratégique contre tout ce qui pouvait porter atteinte à l’intégrité du sport.

Q. Comment est organisée la Division Sport au sein du Conseil de l’Europe ?

R. Alors, au Conseil de l’Europe on travaille sur la base d’une stratégie à deux volets. Le premier volet est constitué par des Conventions qui établissent des normes juridiques contraignantes et offrent un cadre de suivi et de coopération au niveau international. Dans nos conventions, il y a un système de monitoring, de suivi. Les pays qui adhèrent ont le droit de demander de l’aide pour mettre en place des mesures nationales, d’avoir des visites des experts pour être conformes aux normes. Etant donné qu’il s’agit du Conseil de l’Europe, on travaille sur la base fondamentale des droits de l’homme. On fait en sorte que dans la législation, même dans le domaine du sport, il y ait le respect des droits de l’homme, de l’état de droit et de la démocratie.

Le deuxième volet consiste à offrir une plateforme de coopération. Tandis qu’une division porte sur tout ce qui est Convention, c’est là où je travaille, l’autre division est régie par un Accord partiel qui s’appelle APES (Accord Partiel d’Elargissement du Sport). L’adhésion à l’Accord partiel n’est pas automatique, ce ne sont pas les 47 Etats membres qui y adhérent. Il faut que chaque pays y adhère à titre individuel. Cet Accord partiel ne concerne pas seulement les pays membres du Conseil de l’Europe. Par exemple dans l’Accord partiel pour le sport, il y a aussi le Maroc. Dans le cadre de cet Accord partiel, ils établissent des politiques, par exemple sur la Charte européenne du sport, sur l’égalité entre hommes et femmes, le sport dans les prisons, le sport et l’immigration pour ne citer que les politiques les plus récentes. C’est donc tout ce qui est en dehors des quatre Conventions.

Q. Quels sont les principaux moyens d’action du Conseil de l’Europe en matière de sport ?

R. En matière de sport, le Conseil de l’Europe a deux types de moyens d’action. Le premier est constitué par les Conventions, donc des traités. Il y en a quatre : une Convention qui porte sur la lutte contre la manipulation des compétitions sportives (Convention de Macolin), convention qui a été adoptée en 2014, la Convention contre le dopage, c’est la première convention à être adoptée dans le monde en 1989, la Convention sur la violence des spectateurs adoptée en 1985 et la mise à jour de cette Convention qui est la Convention sur une approche intégrée de la sécurité, de la sûreté et des services lors des matches de football et autres manifestations sportives qui a été adoptée en 2016, c’est la dernière. Ce sont des Conventions contraignantes, les seules à exister dans leur domaine, à part le dopage et sont ouvertes à tous les Etats du monde.

L’autre action est l’assistance technique sur la base de ces conventions et aussi sur la base des politiques et normes que l’on développe au sein de l’Accord partiel. Dans l’assistance technique, on a plusieurs projets dont certains sont avec l’Union européenne et d’autres sont menés uniquement par le Conseil de l’Europe. Par assistance technique, on entend aller visiter les pays avec des experts, développer des normes, des modèles de législation, des mesures et soutenir la promotion et la mise en œuvre des différentes actions au niveau national et transnational, comme ce sont des thèmes transversaux et internationaux. Et finalement, c’est pour donner un soutien politique à toutes ces actions.

Q. Avec quels autres services du Conseil de l’Europe travaillez-vous ?

R. Le domaine du sport est assez transversal, donc on travaille avec beaucoup de services. Si on prend la manipulation des compétitions sportives comme domaine, on a déjà travaillé avec le service qui lutte contre le blanchiment d’argent (Moneyval) puisque c’est un des grands soucis dans le domaine de manipulation, c’est une des raisons de manipulation des compétitions et cela concerne notre convention.

Un autre service est le service contre la corruption, un autre plus récent est la protection des données et cela concerne  aussi notre Convention contre le dopage. Dans nos conventions on parle de la collecte, préservation et partage de beaucoup de données. Sachez qu’une donnée personnelle est aussi le nom d’un athlète, pas seulement des informations sur les paris. On travaille beaucoup avec ces services pour faire en sorte que la mise en application de la Convention respecte la protection des données. L’article 14 de la Convention de Macolin porte spécifiquement sur la protection des données. Pour les pays de l’Union européenne, il y a aussi le RGPD. On fait en sorte que tout soit conforme à la réglementation.

Plus récemment on travaille avec le service des LGBT. Pensons par exemple à l’affaire récente de Kaster Semenya qui soulève des questions de genre, mais aussi de dopage et qui est assez transversale.

On travaille avec plusieurs services et c’est un domaine très intéressant.

La deuxième partie de l’interview sera publiée le vendredi 28 juin 2019.

Pour aller plus loin sur le sport et le Conseil de l’Europe: https://www.coe.int/fr/web/sport/home

Une réflexion sur “Le sport au sein du Conseil de l’Europe. Interview avec Cassandra Fernandes, 1ère partie

  1. Je serais curieux de mieux connaître l’articulation du droit européen du sport avec celui du droit suisse du sport. De nombreuses organisations sportives internationales sont en effet basées en Suisse, et sont soumis au droit suisse, en passant par le Tribunal Arbitral du Sport puis le Tribunal Fédéral (pour faire simple). Quelle retentissement réciproque y a-t’il entre droit européen du sport et droit suisse du sport?

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