Ma thèse en 180 secondes version blogdroiteuropéen – par Alexandre Richard

Ma thèse en 180 secondes est un concours dont le but est de présenter les propos d’une thèse de doctorat au grand public. Les doctorants ont 3 minutes pour convaincre leur auditoire et lui faire comprendre en termes simples et clairs le thème de leur projet de recherche.

Dans la version blogdroiteuropeen d’aujourd’hui, Alexandre Richard nous explique en quoi consiste sa thèse de doctorat qu’il a recemment soutenu. Vous n’aurez besoin que de 3 minutes pour parcourir ce post et comprendre le sujet et l’objectif de sa thèse intitulée « Procédure en manquement d’Etat et protection des droits fondamentaux dans l’Union européenne ». Prêt(e) ?

Top chrono. 

Depuis le début des années 2010, les dérives autoritaires et les violations des droits fondamentaux par les Etats membres de l’Union européenne se sont multipliés. A cet égard, l’arrivée au pouvoir de Victor Orban en Hongrie en 2010 et le retour aux responsabilités du PiS (Parti Droit et Justice) en Pologne en 2015 ont constitué un défi majeur pour les institutions de l’Union européenne. En effet, face à la remise en cause de droits aussi fondamentaux que le droit d’asile, le droit à l’enseignement ou le droit à la liberté d’expression, l’Union européenne s’est retrouvée relativement désarmée pour sanctionner ces pratiques et réaffirmer les valeurs sur lesquelles elle est fondée.

En droit de l’Union européenne, il existe pourtant une voie de droit qui permet précisément de faire constater les manquements des Etats membres à leurs obligations. Le recours en manquement d’Etat, prévu depuis les traités de 1951 et de 1957, autorise en effet la Commission européenne ou un autre Etat membre à poursuivre devant la CJUE un Etat qui ne respecterait pas le droit de l’Union européenne. Or, dans la mesure où les dispositions de la Charte des droits fondamentaux ont acquis une force juridique depuis le traité de Lisbonne, il y a quelque paradoxe à ne pas utiliser la voie du recours en manquement pour faire constater une infraction aux droits de l’Homme. C’est ce paradoxe qui a constitué la problématique et le fil conducteur de ma thèse. Il convenait donc de se demander si la procédure en manquement d’Etat pouvait constituer une voie de droit adaptée pour assurer le respecter des droits fondamentaux dans l’Union européenne.

L’étude des textes et de la jurisprudence a permis de mettre au jour plusieurs obstacles tendant à limiter l’utilisation du recours en manquement pour faire constater des infractions aux droits fondamentaux. A ce titre, si la lenteur de la procédure ou la sensibilité des questions peuvent constituer des éléments à prendre en compte, la difficulté la plus sérieuse semble résider dans la question de l’applicabilité des droits fondamentaux. En effet, en droit de l’Union européenne, l’applicabilité des droits fondamentaux est toujours subordonnée à l’applicabilité d’une autre disposition du droit de l’Union européenne. En d’autres termes, si une situation nationale n’entre pas dans le champ d’application du droit de l’Union européenne, les dispositions de la Charte des droits fondamentaux ne trouvent pas à s’appliquer. Ainsi conditionné à l’applicabilité du droit de l’Union européenne, l’exigence de respect des droits fondamentaux s’en trouve fragilisée. Il est dès lors peu aisé pour la Commission européenne de poursuivre un Etat membre pour violation des dispositions de la Charte, puisqu’il faut au préalable qu’elle prouve que la situation en cause relève des règles du droit de l’Union.

Des instruments juridiques autres que le recours en manquement peuvent toutefois être mobilisés. A cette fin, la procédure de sanction politique de l’article 7 du traité UE peut s’avérer utile, mais reste en pratique peu utilisée et fait régulièrement l’objet de blocages au sein du Conseil de l’Union européenne. De même, les requêtes individuelles déposées devant la Cour européenne des droits de l’Homme peuvent constituer un palliatif intéressant, mais néanmoins insuffisant, puisqu’il s’agit d’un mécanisme de contrôle situé en dehors du droit de l’Union européenne. Or, le principe d’autonomie du droit de l’Union ne saurait se satisfaire d’une telle solution.

Enfin, il convenait d’examiner la faculté, pour les Etats membres, de se prévaloir du respect des droits fondamentaux en tant que moyens de défense. En effet, l’aptitude du recours en manquement à préserver les droits fondamentaux se mesure aussi à la possibilité de les prendre en considération lorsqu’ils sont avancés par les Etats membres en tant que justifications à un manquement. Si la Cour de justice refusait de tenir compte des justifications tirées des droits et libertés fondamentales, elle pourrait contribuer à affaiblir le seuil de protection des droits que les Etats membres ont entendu assurer au sein de leur ordre juridique. La Cour de justice adopte cependant une attitude très stricte à l’égard des justifications tirées des droits fondamentaux. De façon régulière, elle refuse de prendre en compte les raisons ayant conduit à une infraction au droit de l’Union, même si le manquement constaté a pu être motivé par la protection d’un droit fondamental directement prévu par les textes européens.

…3, 2, 1, le temps de ce post est écoulé.

Alexandre Richard est docteur en droit de l’Université Paris Panthéon-Assas et rapporteur à la Cour nationale du droit d’asile.

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