Publier en France en Open Access pour les chercheurs en droit est aujourd’hui possible, part. 2 par Olivia Tambou

Aujourd’hui, tous les articles publiés par des enseignants-chercheurs le 9 octobre 2016 dans des revues juridiques françaises peuvent être mis par leurs auteurs en libre accès dans l’archive institutionnelle de leur Université, dans Hal, (archive ouverte de référence en Sciences Humaines et Sociales), voire dans leurs blogs ou dans leur page internet, grâce à l’article 30 de la Loi République Numérique (LRN). Ce Livre blanc rédigé à l’issue de notre e-débat vous donne des préconisations pour utiliser ce nouveau droit, dit de seconde exploitation. Attribué principalement aux auteurs enseignants chercheurs, il limite l’exclusivité du droit d’exploitation de leurs articles par les revues juridiques à un an à partir de la date de publication. Après avoir donné trois raisons majeures pour publier en Open Access, ce second post s’intéresse aux enjeux du développement du libre accès à la doctrine juridique en France. 

L’article 30 de la LRN a pour objectif de développer de l’Open Access en France sur incitation notamment de l’Union européenne. Dans ce contexte, chaque acteur : auteurs, éditeurs, les facilitateurs que sont les legaltech, les bibliothécaires, les établissements Universitaires, etc.  est invité à faire évoluer sa pratique.

3 Enjeux futurs

1. L’augmentation à géométrie variable de la mise en libre accès de la recherche en Droit en France

Actuellement quatre voies principales sont cumulativement ouvertes pour les auteurs souhaitant mettre leur recherche en libre accès :

  • Le dépôt dans HAL ou dans une archive institutionnelle de son Université
  • La publication dans des revues en Open Access
  • La publication dans des blogs
  • La publication sur des plateformes, telles que SSRN

L’usage des réseaux sociaux de la recherche, tels que Academia ou Research Gate,  ne permet pas véritablement un accès libre à la recherche dans la mesure où pour pouvoir lire ces articles, il faut en principe être inscrit dans le réseau social concerné. Les trois dernières voies ont été développées dans un post précédent  où trouver des articles juridiques en libre accès ? . L’article 30 LRN devrait surtout permettre d’augmenter le nombre d’articles mis en libre accès dans HAL et/ou les archives institutionnelles.

Actuellement et dans le meilleur des cas, il existe une forte incitation des chercheurs à publier de façon la plus systématique possible les notices de leurs publications (c’est-à-dire les références de leurs publications sans le texte lui-même). Les chiffres sur HAL sont parlant le droit comporte 33 818 entrées mais seulement 3196 documents en intégral contre 30 772 notices bibliographiques. (Chiffres au 6 octobre 2017). La plupart des dépôts en texte intégral sont des articles dans une revue (892) (contre 654 thèses et  633 chapitres d’ouvrages).  Ces chiffres sont en constante progression. Curieusement, l‘année 2017 ne comporte pour l’instant que 171 dépôts intégraux contre 405 en 2016. Cela laisse présager que pour maintenir cette progression les auteurs devraient massivement utiliser la possibilité ouverte par l’article 30 LRN dans les trois prochains mois. A terme, la création d’une habitude de dépôt dans HAL ou son archive institutionnelle, pour des articles dans des revues pourraient aussi inciter les auteurs à développer d’autres formes de dépôts, telles que les conférences, notamment celles qui ne font pas l’objet d’une publication finale classique. En revanche, de multiples raisons laissent à penser que le nombre de thèses et d’ouvrages mis en Open Access n’évoluent pas de façon spectaculaire.

Du côté des éditeurs, des évolutions semblent également en cours.  Deux tendances se dessinent : ceux qui tentent d’offrir des services ajoutés et en misant sur de nouveaux contenus éditoriaux. (cf. post précédent sur Open Dalloz), ceux qui augurent qu’au final les choix européens  risquent d’aboutir à une augmentation des droits d’abonnements des revues ou au recours du système dit de l’auteur-payeur et suggère à l’Europe de mettre en place une sorte de géoblocage de l’Open Access pour limiter son coût ( cf. récente position de Elsevier). Le maintien d’un équilibre financier pour les éditeurs pourraient aussi constituer un nouveau frein pour certains auteurs dans leur volonté de mettre leurs articles en libre accès.

En revanche, il est certain que le développement de l’Open Access va poser avec acuité la question de comment améliorer les outils permettant de stocker et d’accéder à la doctrine en libre accès.

2. L’amélioration nécessaire des outils permettant d’accéder pleinement à la doctrine en libre accès 

Il s’agit là d’un enjeu primordial.  Afin d’inciter les auteurs à déposer en libre accès, il est important qu’ils en perçoivent le bénéfice immédiat grâce à l’amélioration des interfaces numériques permettant d’accéder rapidement à la doctrine en libre accès.  Cela repose notamment sur des moteurs de recherches juridiques plurilingues performants et sur la généralisation de méthodes pertinentes de référencement. Cela devrait aussi inclure l’amélioration des outils, tels que Zotero pour permettre de collecter voire d’intégrer les références de cette doctrine dans la rédaction de ses articles. Enfin, la création de plateformes dédiées aux ressources juridiques en libre accès avec des plans de classements adaptés et intuitifs pourraient être imaginées.

3. L’accompagnement des établissements universitaires dans le développement de l’Open Access

Le développement de l’Open Access nécessite l’accompagnement des établissements universitaires. Les centres de recherches, les bibliothèques universitaires, et la politique de recherche des établissements doivent intégrer des actions de sensibilisation ou des moyens d’incitation afin que les chercheurs aient envie de déposer en Open Access. Actuellement le fait que le juriste ayant déposé le plus grand nombre de contenus intégraux dans HAL soit rattaché au CNRS (Daniel Borrillo avec 103 documents)  n’est sans doute pas un hasard. Une bonne pratique pourrait être comme certains établissements le proposent, de déposer à la place des auteurs sur leur demande dans les archives institutionnelles et/dans HAL.  Nul doute, là aussi que les formes futures de ces politiques d’accompagnement des chercheurs au développement de la mise en libre accès de leur recherche sont encore à inviter.

Rendez-vous dans un an pour faire le bilan d’application de l’article 30 et voir si les acteurs ont adapté leur comportement face à ces trois enjeux. En attendant, n’hésitez pas à laisser vos commentaires.

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